Témoignages

Dès sa jeunesse, Janine Denmat a entouré Marcel Le Toiser après le décès de son épouse.
Elle a été son assistante à la galerie. Elle ne l’oublie pas.

Encore étudiante, je cherchais un emploi saisonnier d’été. C’est ainsi que je me suis installée en tant que jeune fille au pair chez Renée et Marcel début juillet 1963 pour aider Renée, déjà malade, dans les tâches ménagères pendant qu’elle tenait la galerie avec son petit chien blanc Kaezic.
Puis, je suis restée chez eux car un emploi au C.N.E.T. de Lannion m’avait été proposé pour le début d’année 1964. Et après le décès de Renée en septembre 1965, Marcel m’a demandé si j’accepterais de continuer de m’occuper de la marche de sa maison après ma journée de travail au C.N.E.T.
Voilà donc comment je l’ai connu dans son quotidien.

Je le voyais peindre, concentré sur sa toile disposée sur le chevalet que vous pouvez voir ici, palette en main et pipe à la bouche, bourrée de son tabac préféré « Saint-Claude » ; il peignait à larges touches de couteau et de pinceau, dans les odeurs de peinture : des marines, des paysages, des portraits dont le sien et celui de Renée. J’ai aussi le souvenir de toiles représentant des bouquets de soucis et d’hortensias que j’avais confectionnés et d’un champ de lavande datant de son séjour à Aix. Ma main lui a même servi une fois de modèle. Puis, à l’aide d’un miroir, il jugeait du rendu final de son œuvre.
Marcel faisait partie des figures perrosiennes. Il se montrait affable et
généreux, reconnu et recherché, tous admirant l’artiste et la fantaisie de l’intarissable conteur qu’il était. Ses amis ont été pour lui d’un grand soutien moral après le décès de Renée. Je me souviens particulièrement de quelques-uns : Armand Villeneuve, qui lui consacrait une soirée par semaine, Pierre, ancien inspecteur de police à Paris, les familles Guillermic et Drapier, Youn Jézéquel qui passait régulièrement lui rendre visite en coup de vent.
J’ai également pu entrevoir chez lui des personnalités qui ont compté dans sa vie non seulement privée mais aussi professionnelle : Francine Robinet, de l’hôtel la Roseraie  à Trestraou, Jean Mordreuc, écrivain à Pleudihen, la grand’mère de Gérard Philippe, Camille Cuony, artiste peintre d’Aix-en-Provence, avec qui il avait organisé une exposition à Aix, Madame Mariette, Présidente des Bretons à la Maison de la Bretagne à Paris où il a exposé ses tableaux. Et bien d’autres…
Marcel affectionnait les voitures de sport et il était très fier de son Alpine Renault. Je le revois partir avec son carnet de croquis à la recherche de nouveaux paysages et éclairages croqués et annotés sur place à l’aide de feutres de couleur. A son retour, il esquissait à coups de pinceau noir son futur chef-d’œuvre.
Il a vécu de sa peinture et sa saison s’étalant de juillet à septembre représentait son année. Ma sœur Yvonne, également étudiante au pair en été, et moi-même assurions la galerie. A cette époque, nous ne connaissions pas grand chose en peinture mais je crois que nous nous efforcions de vendre d’abord les qualités du peintre. Lorsque les visiteurs semblaient intéressés, nous allions chercher Marcel qui concluait la vente.
L’hiver, dans son atelier de menuiserie, il fabriquait ses cadres et sculptait le bois.
Il était aussi un fervent supporter de l’équipe de foot de Louannec Les Canaris, dont son cousin Louis Bourdellès était le Président du Stade et le frère de Pierre Bourdellès député maire. Marcel assistait à son match dominical soit à Louannec soit à Perros.
J’aurais évidemment bien d’autres souvenirs à évoquer.
J’ai quitté la maison de Marcel le 08 avril 1969 pour me marier avec Joël, le petit-neveu de Renée. C’est ainsi que je suis devenue la petite nièce de Marcel par alliance…
Pendant ces six années enrichissantes à ses côtés, je l’ai aussi accompagné dans des moments difficiles : le décès de Renée, de sa belle-mère, la Maman Boizumeau, et de sa mère.
Pour terminer sur une note plus gaie, Marcel était le parrain de notre fille aînée Lise-Anne

Professeur d’histoire, Yves Jézéquel est connu pour ses passionnantes conférences à la Bibliothèque de Perros. Il évoque son ami Marcel Le Toiser.

Yves Jézéquel

Nous nous considérions comme cousins, et, depuis mon enfance (je suis né en 1937), j’appelais ses parents Tonton Alfred et Tante Anne-Marie. Cette parenté, en fait plus éloignée que ces appellations ne le suggéraient, n’était en réalité qu’accessoire; ne m’avait-il pas dit un jour que peu importait le niveau éventuel des liens familiaux, et que c’était l’amitié qui était la seule chose importante ? Et c’était en effet ce qui faisait que je partageais ce privilège d’une amitié toute simple, sans emphase, avec les nombreuses personnes qui gravitaient autour de ce personnage si particulier, cet artiste devenu solitaire à la suite du décès de Renée, son épouse, la fidèle compagne des bons comme des mauvais jours.

Je ne vais pas rédiger sa biographie, car ce qu’un être humain laisse lorsqu’il cesse d’être de ce monde, ce sont les moments que ceux qui restent ont partagés en sa compagnie, des choses toutes simples, parfois banales, parfois mémorables, en fait, des impressions, des souvenirs, et non des documents. Et puis, bien sûr, longtemps, longtemps, après qu’un artiste a disparu (comme le dit la chanson) ses œuvres nous offrent la vision qu’il voulait exprimer, la transcription du jeu de la lumière et des ombres tel qu’il le ressentait. Plus d’une fois, ne l’ai-je pas vu prendre, très calmement, le chiffon imbibé d’essence, et effacer une toile qui ne traduisait évidemment pas sa pensée, et recommencer.

Perfectionniste ? Je ne le crois pas ; mais à la recherche de l’adéquation entre ce qu’il voyait dans son esprit, et que la peinture n’avait pas su rendre. Les mots que j’écris à cet instant, je ne sais pas, moi non plus, s’ils ne vont pas me laisser dans l’insatisfaction de la pensée que je leur demande de traduire.

Plutôt bon vivant, aimant la plaisanterie, pourvu qu’elle fût de bon aloi, parfaitement capable de participer, avec quelques joyeux compagnons, à l’élaboration et à la réalisation de canulars inénarrables,il faisait partie de ces personnes dont la fréquentation n’est nullement de nature à engendrer une quelconque mélancolie.

La musique ? Elle ne constituait pas pour lui un centre d’intérêt, ni une source d’émotion; eh non! L’artiste peintre qu’il fut n’avait-il pas de violon d’Ingres ? En ce qui concerne l’instrument en question, non, ses plaisirs extra-picturaux étaient plutôt de nature dirai-je, sportive: les tribunes du stade de Perros le voyaient souvent en tant que spectateur – et «supporter» – des matchs de football! Et puis, sans être un «fou du volant», il aimait les automobiles. Je me souviens de sa Karmann Ghia à moteur VW, rouge sombre, à laquelle succéda une Alpine Renault; nos routes étant ce qu’elles étaient, il acquit l’exact opposé du véhicule précité, une Renault Rodéo rouge vif, qu’il décrivait comme sa «chaise à porteurs», vu sa silhouette aussi élevée que celle de l’Alpine était surbaissée ! Mais incomparablement plus apte à loger châssis, toiles, et accessoires de peinture. Enfin,mais ce fut à peine un peu plus d’un an avant sa disparition, un bolide aérodynamique se joignit à la «chaise à porteurs». Satisfaction d’un rêve ancien? Peut être, mais, après tout, ainsi que le chantait Glenmor, «si tu ne vis que de rêves, le temps t’épargnera»!

Et la Bretagne, quelle place tint-elle dans sa vie ? Indissociable du personnage, qui, lorsqu’il fut instituteur à Plounévez-Moédec, jusqu’à la fin de la guerre, enseignait évidemment le Français aux enfants, mais sans recourir aux procédés que l’on reproche à juste titre à ceux qui croyaient que, pour faire apprendre une langue nouvelle à des enfants dont le Breton était la langue maternelle, il fallait, ainsi que le disait un ministre en charge de l’enseignement, que cette première langue disparût. Ainsi que le démontra par la pratique Yann Sohier, autre instituteur breton, que sa hiérarchie surveillait avec une quasi-suspicion, les enfants scolarisés par des enseignants formateurs, et non persécuteurs, obtenaient des résultats au moins égaux, voire supérieurs aux autres au Certificat d’études, examen qui, soit dit en passant, serait d’un niveau inaccessible de nos jours dans des classes d’âge équivalentes. (Pour ceux qui voudraient comprendre cette période, je suggère la lecture de Composition Française , de Mme Mona Ozouf, fille de Yann Sohier, qu’elle sous-titre retour sur une enfance bretonne).

De sa personnalité, que dire ? Si je vous dis qu’il était un lecteur assidu d’un hebdomadaire satirique paraissant le Mercredi, et qui compta Morvan Lebesque parmi ses rédacteurs, vous n’aurez vu que l’une de ses facettes! Il était à la fois anarchiste et conservateur, un petit peu à la manière de Georges Brassens, dont j’aime toujours la pensée, un peu mystique et révolté, à l’instar de Glenmor, que j’ai bien connu.

Il éprouvait un profonde détestation de la mort, qui détruit la lumière dont chacun de nous peut être porteur: lorsqu’il peignit le chemin de Croix de l’église Saint Jacques, il ajouta un tableau aux stations traditionnelles, qui s’achèvent par la Mise au Tombeau. Il ne pouvait l’accepter. Aussi, c’est sur un panneau plus grand que les autres qu’il plaça une Résurrection magnifique, parce que la vie du Christ ne pouvait se finir dans l’échec de la Mort, mais que c’est par la victoire de la Vie sur la Mort, de la Lumière sur les Ténèbres, que s’accomplissait le Message. Et, quelles que soient nos croyances, que nous croyions au ciel ou que nous n’y croyions pas, la lumière doit toujours l’emporter.

Gaëlle Le Reun-Le Guillouzer travaille à l’Office du Tourisme de Perros-Guirec.
Elle se souvient de Marcel Le Toiser.

Gaëlle Le Reun- Le Guillouzer

Jamais dans mes souvenirs de petite perrosienne je n’oublierai son doux regard et son amour pour la peinture. Après l’école, je venais souvent lui rendre visite. Oh il ne parlait pas beaucoup mais peu importe, son silence en disait long tellement ses peintures l’emmenaient loin.

Cet homme s’appelait Marcel Le Toiser.

Pierre Kerlévéo relate l’exposition Le Toiser durant l’été 2021.
Emilie Desouche a effectué l’accrochage des œuvres.

Emilie Desouche et Fei Liu

Pourquoi exposer l’œuvre de Marcel Le Toiser (1907-1982) dans un temple protestant à Perros-Guirec ? L’idée aurait sans doute fait sourire cet artiste qui ne manquait ni d’humour ni d’ouverture d’esprit !

Issu d’une famille enracinée à Perros-Guirec au milieu du XIXe siècle, il fut d’abord instituteur comme son grand-père paternel et son père. Ce dernier, Alfred (1867-1947) dirigea l’école publique. Pour le remercier d’avoir su si bien réconforter la population perrosienne pendant la Guerre, une touchante ovation lui fut faite le 11 novembre 1919.

Sa mère, Anne-Marie LE ROLLAND (1879-1968) descendait d’une lignée terrienne qui avait fait souche à Louannec.

Profondément attaché à la culture bretonne, ce qui lui valut quelques ennuis à la Libération, Marcel Le Toiser aimait le Trégor, son âme, ses chapelles, ses paysages dont il peignait la beauté avec talent. Sa galerie, aujourd’hui disparue, était située au bourg de Perros rue du Général Leclerc près du presbytère.

On ne décèle aucune influence bien définie dans sa peinture, à part celles -à peine- de Rouault et de Vlaminck. Au vrai, c’est bien plutôt une évasion systématique loin des écoles modernes écrivait un critique d’art dans Le Provençal (2 décembre 1959) à la suite d’une exposition à Aix-en-Provence.

Mais l’œuvre maîtresse du peintre restera son chemin de croix de l’église Saint-Jacques de Perros, un des plus beaux de France, hélas sans éclairage, qu’il réalisa en 1964. Ce fut pour lui une épreuve. A sa mort, le curé de Perros révéla dans le bulletin paroissial (N°9. 1982) qu’il l’avait entendu avouer: J’ai transpiré pour faire ce chemin de croix qui m’a fait souffrir ! Il ajoutait : Marcel Le Toiser était un spirituel, tout le contraire d’un matérialiste. En préparant cette rétrospective, nous avons découvert que sept stations étaient peintes au verso. On peut les retrouver ici ou sur le site de la Paroisse catholique de Perros.

Dans ses archives conservées par les siens se trouvent les notes qu’il avait dactylographiées après avoir médité les Evangiles. Il y consigne l’essentiel de chaque station et ce qu’il va traduire du mystère de la passion du Christ. L’obscurité de ce drame, les traits noirs, l’angoisse des visages, les tonalités sombres s’estompent devant un tableau plus grand: le Seigneur aux couleurs de l’espérance est vivant et se manifeste dans un mouvement ascensionnel, les bras tendus vers l’humanité.

Marcel Le Toiser a voulu cette quinzième station alors que la tradition catholique se limitait à la quatorzième : Jésus enseveli dans le sépulcre.

Mort, où est ta victoire ? semble affirmer l’artiste, rejoignant ainsi le protestantisme qui ne fixe pas le corps supplicié du Christ sur la croix. Pourquoi prolonger la crucifixion puisqu’ Il est ressuscité ?

Dans le même esprit, à la mort de sa mère, Marcel avait retiré le Christ en métal qu’elle lui avait demandé de clouer sur la croix celtique, sculptée pour sa chambre et qui a été exposée au temple…

Au XVIe siècle, la Réforme militait pour l’austérité, une réputation qui ne l’a pas quittée aujourd’hui ! Elle appliquait à la lettre l’Ancien Testament : Tu ne te feras aucune image sculptée (Exode 20, 4) ou N’allez pas vous pervertir et vous faire une image sculptée représentant quoi que ce soit : figure d’homme ou de femme (Deutéronome 4,16).

Elle en voulait aussi aux Catholiques qui finançaient la construction dispendieuse de la basilique Saint-Pierre de Rome en vendant des indulgences qui sauvaient l’âme des défunts ! L’art sous toutes ses formes était proscrit.

Le protestantisme, c’est aussi cette capacité de se réformer, d’être moins borné, d’évoluer ! C’est ce qui explique cette rétrospective Le Toiser. Le théologien Paul Tillich (1886-1965) insistait sur la valeur de l’émotion esthétique : La culture est une expression de la beauté de la création, de son origine divine, de l’absolu, de ce qui est plus grand que nous, une approche de la transcendance.

Hervé Stücker, notre pasteur de Saint-Brieuc précise : L’art ouvre nos sens, notre sensibilité, notre être et sûrement notre âme, favorisant une écoute, un dialogue.

Et comment ne pas exprimer notre reconnaissance aux prêteurs, aux personnes qui ont assuré l’accrochage, les présences au temple, l’animation, sans oublier la presse. Chacun(e) a apporté sa contribution. Une aventure passionnante.

Tenir une permanence n’a jamais été rasoir. Au contraire ! 1094 visites ont permis de belles rencontres enrichissantes. On reçoit beaucoup des autres. Les uns ont évoqué leur souvenirs de Marcel, les autres ont apprécié sa peinture contrastée aux styles si différents qu’on aurait pu croire que plusieurs peintres avaient exposé. Son livre d’or, qui a survécu aux années, a enregistré de nouveaux ressentis. Un Christ portant sa croix, sculpté par Marcel Le Toiser a même été offert par Jean-Yves Soenen-Le Toiser en mémoire de son cousin. Qu’il soit remercié de son soutien indéfectible dès le premier jour. Et c’est sur un lutrin, aussi sculpté par Marcel, qu’est maintenant disposée la Bible sur la table de la cène. L’art conduit aussi à l’œcuménisme

Jean-Paul Simon est à l’origine du groupe Au pays de Picou sur Facebook. Il est la mémoire de sa commune et relate ici les liens privilégiés entre Louannec et Marcel Le Toiser.

Jean-Paul Simon

La famille de sa mère, Anne-Marie Le Rolland (1879-1968) s’enracinait dans une lignée terrienne présente à Louannec depuis deux siècles.
Elle était proche de Pierre Bourdellès (1908-2002). Le député-maire lui commanda plusieurs tableaux qui évoquent le passé de la commune et la culture bretonne. Ils se trouvent aujourd’hui dans la salle du Conseil Municipal ou dans celle des Fêtes (Ancien Foyer Rural).
Après la Guerre, à Pau où il se mit à sculpter et peindre, Marcel retrouva Louis, le frère de Pierre, qui s’y soignait dans un sanatorium. Ce dernier lui communiqua sa passion pour le Club « Louannec Sports » dont il était le responsable. Chaque dimanche, Marcel Le Toiser assistait aux matchs de football.

Jeanne, du Dresnay en Loguivy-Plougras (22) est fidèle à la mémoire de son ami Marcel.

Cliquer sur la photo pour découvrir le témoignage de Jeanne.

L’historienne de Perros, Françoise Racine évoque Marcel Le Toiser dans un ouvrage collectif qu’elle a coordonné, « Regards croisés » publié en 2007 et imprimé aux Éditions Jack, Louannec (22).

Françoise Racine - Photo "Le Trégor"
Françoise Racine - Photo "Le Trégor"
Regards croisés - 2007 - Françoise Racine - Editions Jack

Alain Le Nost, l’artiste peintre du pays de Paimpol (22),
rend hommage à Marcel Le Toiser.

Alain Le Nost - Les masques vénitiens - 2020
Alain Le Nost - Les masques vénitiens - 2020

Alain LE NOST est né en 1934 à Guingamp ; aujourd’hui décédé,  il découvre son destin d’artiste peintre en 1952 quand il peint sa première oeuvre à l’huile ; ce sera l’unique activité professionnelle de sa vie. 

Son oeuvre est très variée, en évolution constante, s’inspirant de sources diverses, allant de la Bretagne et ses traditions celtiques au Grand Ouest américain et à Venise. Son medium de prédilection est l’huile sur toile de lin. 

Plus d’une centaine d’expositions personnelles et de prestige ont accueilli un public nombreux, parallèlement à sa propre galerie-atelier ouverte pendant un demi-siècle. 

En 2018 il se sépare de sa galerie de Paimpol et ouvre un grand espace d’exposition de plain-pied, face à la mer, à Ploubazlanec. Ce lieu a une vocation muséographique en devenir. 

Le plus récent des ouvrages consacrés à son oeuvre date de 2021 et s’intitule «Secrets d’Atelier». 

Juste après-guerre mes parents firent l’acquisition d’une maison à Tourony (entre Trégastel et Ploumanac’h). Mes vacances d’adolescent furent ainsi marquées par la Côte de Granit Rose. C’est là que naquit ma vocation de peintre.

Marcel LE TOISER présentait ses tableaux dans sa galerie ouverte au public au centre de Perros-Guirec. J’ai donc fréquenté ce lieu mais l’artiste étant d’une autre génération je n’eus jamais la hardiesse de lui parler, il ne sût rien de ma passion. Sa peinture vigoureuse me plaisait et représentait cette magnifique région que je découvrais et à laquelle je m’attachais. Cela influença sans aucun doute mes débuts.

L’homme causait peu, la pipe toujours vissée au coin des lèvres tandis que son épouse savait parler de sa peinture, avec conviction, aux amateurs. Ses oeuvres se vendaient très bien. Les tableaux restaient accrochés jusqu’à la fin de la saison estivale. L’exposition terminée, les tableaux étaient emballés et expédiés aux acquéreurs dans toute la France. Je revois encore la multitude de caisses posées au sol, en attente.

La maison de Tourony fut vendue en 1960 et mes visites s’estompèrent. Plusieurs années après, j’eus l’occasion de retourner dans la galerie de Marcel LE TOISER. Mon impression fut que sa peinture se vendait moins. Ses tarifs n’avaient pas bougé et n’avaient pas suivi l’inflation. Cela devait peut-être décevoir les collectionneurs, alors que son talent était intact. Et il devait surmonter le contre-coup de la disparition brutale de son épouse, sur laquelle reposait la promotion alors que lui ne s’occupait que de la création.

J’eus, pour ma part en 1979, la même douleur de perdre trop tôt mon épouse qui m’épaulait dans ma propre galerie créée à Paimpol. Mais je connaissais la malheureuse expérience de cet aîné et aussi, grâce à lui, l’impérieuse nécessité de reprendre en mains la valorisation de mon oeuvre, même dans l’adversité. Voilà comment nos chemins se sont croisés, mais avec des silences.

Son oeuvre ne doit pas être oubliée, après plusieurs années de purgatoire pour sa peinture. Je suis très heureux qu’il y ait des initiatives contribuant à mettre enfin l’accent sur les oeuvres marquantes de cet artiste sincère au grand talent.

A son décès, le curé de Perros-Guirec, l'abbé Michel Malégeant souligne la foi de Marcel Le Toiser.

Hommage à Marcel LE TOISER

Dans la nuit du 15 au 16 Mai, notre Ami Marcel Le Toiser a changé de rive !

Après quelques semaines de maladie, le choc de la Mort l’a fait passer de cette vie terrestre qu’il aimait, à la VIE .
Marcel Le Toiser ! Une figure perrosienne originale, bien « typée ». Un homme d’idée, de caractère et de volonté. Un homme attachant, à l’amitié sûre et profonde. Un homme fidèle à ses idéaux et très respectueux de ceux des autres. A un tournant important de sa vie, il se découvrit une véritable vocation et un talent d’artiste.
Aujourd’hui, sa mémoire s’inscrit surtout dans ses toiles si riches… Si évocatrices d’une âme à la fois simple et exceptionnellement douée, marquée par la création: La mer, la terre, le soleil, la lumière, les ombres… et l’homme dans sa condition. Ses toiles étaient un véritable enfantement, parfois douloureux !
A la demande du chanoine Jean Le Floc’h, il accepta après mûre réflexion de peindre les 14 stations du chemin de croix et la résurrection du Christ qui se trouvent dans notre église de Perros et qui, la veille de sa mort, faisaient l’admiration de plusieurs visiteurs qui m’en ont fait part.
Ce chemin de croix fut pour lui une épreuve. Plusieurs fois, il reprit certaines stations. Je l’entendis avouer un jour : « j’ai transpiré pour faire ce chemin de croix. Ce chemin de croix m’a fait souffrir ! »
Seul le Christ dont Marcel Le Toiser lut, relut et médita la passion dans le but d’en fixer quelques-uns des traits sur ses toiles pourrait révéler jusqu’où l’artiste avait poussé sa longue et laborieuse méditation. Marcel Le Toiser était un spirituel. Tout le contraire d’un matérialiste.

C’est bien un message spirituel, en effet, qu’il laisse comme testament à ceux qui ont le bonheur et le privilège de posséder de ses toiles ou qui s’arrêteront pour prier, réfléchir et contempler devant le chemin de croix de notre église. Pour moi, cette oeuvre restera entre toutes la pièce maitresse. Celle qui dévoile l’homme qu’était Marcel Le Toiser, son mystère et ses racines.
Un homme passionné par la condition humaine et qui tombe amoureux d’un autre homme plus passionné encore pour tous les hommes, ses frères : Jésus de Nazareth, fils de Dieu, mort d’aimer sur une croix et ressuscité pour qu’éclate pour tous la vie en la joyeuse Pâque.

Marcel Le Toiser avait sculpté dans le bois un Jésus crucifié qu’il offrit au chanoine Hélary alors curé de Perros. Ce Christ, en bonne place dans l’oratoire érigé dans la sacristie pour les messes de semaine, est présenté à la vénération des Chrétiens le Vendredi-Saint.
Aujourd’hui le Vendredi-Saint aux couleurs sombres et tourmentées a fait place à l’aurore et à la lumière d’or de la Pâque éternelle pour Marcel Le Toiser. Toi, notre ami, repose maintenant dans la paix de Dieu !
Pour nous tu restes encore présent car ta mémoire est gravée dans ton Christ et dans ton chemin de croix, dont nous sommes fiers, et que tu as placés, un jour, sur le chemin de notre histoire.

Il y a quarante ans, Patrick Piron vendait une R5 Turbo 2 à Marcel Le Toiser...

Patrick Piron

Ma rencontre avec Monsieur Le Toiser reste un moment inoubliable et improbable. Mai 1981, vendeur Renault, mon fichier clients m’amène à le visiter dans le cadre de ma prospection. Contact chaleureux : la conversation s’oriente sur les voitures de sport. Il me dit qu’il a vu à la télévision une R5 Turbo 2 au rallye de Monte-Carlo. Je lui fournis le catalogue de ce véhicule le jour même. Il est immédiatement séduit. « Elle a un look d’enfer » me dit-il. Sur le champ, il la commande  malgré son prix, l’équivalent de 100 000 Euros de nos jours. Ma surprise est totale. J’en garde l’image d’un homme de 73 ans, non conformiste, heureux de s’offrir une voiture de rallye. Malheureusement, un an plus tard, il décédera le 14 mai 1982.

Dans sa jeunesse, Marie-Annick Guillou était intriguée par son voisin, Marcel Le Toiser...

Les sœurs Guillou
Les sœurs Guillou

Vous souvenez-vous ? Je me souviens…
J’aimais croiser le chemin de Monsieur Le Toiser. Sa démarche était paisible, son allure « bonhomme ». Il avait toujours des mots gentils et était soucieux des personnes. J’adorais sentir la bonne odeur de sa pipe… Je le pensais capitaine d’un navire avec sa casquette de navigateur fièrement mise.

Il habitait près de chez nous non loin de la Mairie… Lui près de l’église Saint-Jacques. Lorsque j’allais à l’école, je changeais de trottoir, exprès. J’étais attirée par ses toiles et j’attendais avec impatience les nouvelles : pour changer de décor et rêver ! Mes quatre soeurs se souviennent de lui avec beaucoup de joie, de plaisir. La plus jeune, Marie Lise ne l’a pas oublié :« Enfant, je frappais à sa porte régulièrement… J’avais 6 ans et Monsieur Le Toiser m’accueillait affectueusement. Il m’offrait une boisson fraîche et m’invitait à m’asseoir. J’étais autorisée à l’observer, affairé dans son atelier autour de ses toiles. Puis il me disait : « Marie-Lise, il est maintenant temps de rentrer chez toi ». Nous avons eu ce rituel très régulièrement. Monsieur Le Toiser était toujours disponible pour mes visites ». Nous mesurons aujourd’hui, toutes les cinq, la confiance que nos parents et grands-parents accordaient à Monsieur le Toiser. Des liens respectueux, affectueux existaient entre eux. Notre grand-mère Augustine, ancienne institutrice et directrice d’école à Perros, avait toujours quelques mots à partager avec lui. Il a fait partie pleinement de notre vie, tout simplement, sans bruit,  avec son écoute, sa présence tranquille et paisible. À la maison, nos parents avaient accroché au mur ses ardoises gravées représentant des scènes de la vie quotidienne,  le portrait de mes sœurs jumelles, un oiseau offert à Marie-Lise. Jamais, nous ne l’oublierons et il restera parmi les super souvenirs dans nos cœurs d’enfants

Au Canada, Jean-Claude Poignant conserve un carnet de dessins de Perros. Il se souvient avec gratitude ...

CARNET À SPIRALES, 1964
Vivant depuis de longues années au Québec, je revois Marcel Le Toiser en 1964. Passant mes vacances à Perros, je visitais sa galerie : sa belle et forte personnalité m’ont touché. Sa peinture riche, taillée à coups de serpes, par certains côtés proche de Bernard Buffet, m’a tout de suite attiré. J’avais jeté mon dévolu sur une toile de marin (115B3, un pêcheur dans le port, 1964, sur le site) dont le prix était un peu élevé… À 24 ans, j’étais un peu fauché! Je m’en suis ouvert à Marcel qui n’a pas hésité à me faire des facilités avec la possibilité de plusieurs versements et en m’offrant un superbe cadeau : un carnet à spirales de croquis de Perros au feutre (305A) ».
 
CARNET À SPIRALES, 1964
UN PÊCHEUR DANS LE PORT, 1964

Dans le catalogue d'une exposition "Les romantiques contemporains" à Salon-de-Provence (13) en juillet-août 1963, une biographie de Marcel Le Toiser. Par lui-même ?

Céline et Manu ont aimé ces deux tableaux de Marcel Le Toiser qu'ils ont achetés à Bayeux en Normandie. Ils expriment leur ressenti dans cette vidéo filmée par Hanae Chevallier, étudiante dans les métiers du cinéma. Ces acquisitions ont permis à Céline de retrouver Émilie, son amie d'enfance.

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Accueil au vernissage de l'exposition à Trégastel le 16 octobre 2023

Monsieur le Maire , Chers Amis

En juin 1983, la Ville de Perros-Guirec avait organisé une rétrospective des œuvres de Marcel Le Toiser au Palais des Congrès.

Quarante ans plus tard, la Ville de Trégastel a souhaité faire redécouvrir un artiste de talent en présentant 75 de ses créations.

Merci, Monsieur le Maire, de permettre cette exposition dans ce magnifique presbytère si lumineux.

Merci à Claudie Laleuf, adjointe à la Culture, pour son dynamisme et son efficacité, à Christine Grell, à leur équipe, à Claude Laleuf, si dévoué.

Merci aux 37 collectionneurs qui ont accepté de prêter leurs œuvres : certains sont venus de loin, de Provence, Merci Madame et Monsieur Mondon, ou de La Clarté, cher Gaël Lecouat qui, depuis 25 ans, recherche avec passion les tableaux de Marcel Le Toiser et qui en détient le plus grand nombre.

Merci à Christophe Le Baquer, le sculpteur du granit, qui a accepté cet accrochage réussi et génial. Et c’est d’autant plus intéressant qu’au départ, tu n’étais pas un fan !

C’est l’exposition à ne pas manquer : une par siècle.

Merci à Bart-Antik, la galerie de Saint-Quay-Perros, qui a prêté les socles des statues.

Merci, cher Jean-Yves Soenen pour ton soutien indéfectible dès le premier jour en mémoire d’Anne-Marie.

Issu d’une famille enracinée à Perros-Guirec au milieu du XIXe siècle, Marcel Le Toiser fut d’abord instituteur comme son grand-père paternel, sa tante, son père. Ce dernier, Alfred (1867-1947), adjoint au maire et conseiller d’arrondissement, chevalier de la légion d’honneur, dirigea l’école publique. Ces hussards noirs devaient gommer la langue bretonne des écoles de la République.

Fils unique, adolescent espiègle, Marcel adopta une cause inverse : la défense du patrimoine breton, l’autonomie de la Bretagne. Sa personnalité incontrôlable et son idéal le conduisirent à la naïveté, aux excès, aux fautes qui lui valurent sa condamnation à la Libération pour avoir « porté atteinte à l’unité de la nation en se livrant à une activité autonomiste anti-française ». Cette interdiction de séjour dans les Côtes-du-Nord a été levée en 1949.

Dans l’ouvrage qu’elle vient de publier, Denise Delouche, professeure émérite de l’Université de Rennes 2, spécialiste reconnue des peintres de la Bretagne, n’a pas évité le sujet qu’elle connaît bien. Les 96 pages du procès attestent que Marcel Le Toiser n’a ni dénoncé ni pratiqué la violence. On y apprend même qu’il a appartenu au Parti Communiste.

Bien sûr, pour respecter nos morts, pour défendre la liberté si précieuse, pour préserver la démocratie, il faut se souvenir, ne jamais oublier mais relire l’histoire en la sortant de son contexte et en la jugeant avec nos idées d’aujourd’hui, c’est manquer de réalisme face à une période compliquée et sombre où le pire et le meilleur se sont côtoyés.

Merci, chère Denise, grâce à vous, à votre enthousiasme, à votre regard éclairé, une peinture bretonne va revivre : les amateurs et les passionnés vous en sont reconnaissants. Recevez l’hommage des milliers de lecteurs à qui vous avez ouvert tant d’horizons !

Notre gratitude s’exprime aussi à Marie-Claire Morin-Lec’hvien, créatrice des éditions « A l’ombre des mots » : son expertise et sa rigueur ont permis la réalisation de ce beau livre dont Renaud Queffeulou a assuré les reproductions photographiques avec son immense savoir-faire.


Va-t-on retirer le chemin de croix de Marcel Le Toiser qui se trouve à l’église Saint-Jacques depuis 1964 ?

Fallait-il se désabonner du journal « Le Trégor » dans lequel Marcel Le Toiser a écrit pendant de longues années, éclairant avec humour l’actualité locale ? Il y défend la restauration de la chapelle de Saint-Golgon, à l’époque remplie d’ordures et de gravats. Avec tendresse, il rend hommage à des personnalités aux idées différentes : « Cacahuète », un combattant de la Guerre d’Espagne ou le Perrosien Serge Vaculik (1919-1991), parachutiste des Forces Françaises Libres. Il s’indigne de la pauvreté des Vieux ou du comportement des chasseurs en prenant la défense du chevreuil.

A Louannec, cher Jean-Paul Simon, doit-on démonter les décorations de Marcel Le Toiser dans la salle des fêtes ?

Je laisse à Chacune et Chacun la liberté de répondre en conscience. Qui suis-je pour juger l’autre ? Qu’aurais-je fait ? Personnellement, je crois qu’un être humain peut changer, évoluer, se remettre en question.

Vers 1946, relégué à Pau, Marcel Le Toiser dessine le monogramme R F (République Française) entre les jambes d’une femme nue. Il est amer, vindicatif, anti-français… Trente ans plus tard, une de ses dernières toiles en 1982, est intitulée : « 14 juillet ». Elle représente un marin jouant joyeusement de l’accordéon avec en fond un drapeau français.

A la page 75 de l’ouvrage de Denise Delouche, vous trouverez une peinture de l’Ankou inspirée par le squelette de l’église de Ploumilliau. Je suis assez tenté de suivre le ressenti de mon ami René Boivent dont l’érudition est impressionnante. La tête de l’Ankou ressemblerait à un casque allemand : l’artiste signifierait sa condamnation du nazisme.


Chers Amis, vous l’avez compris, nous sommes réunis pour apprécier une peinture dont Denise Delouche a souligné « le style pictural qui frappe par son originalité et sa vigueur ». Ce sont ces toiles qui nous apportent une émotion esthétique et qui nous révèlent l’harmonie de la nature, l’infini du temps, les messages de la vie quotidienne.

Marcel Le Toiser aimait le Trégor, ses paysages dont il peignait la beauté avec talent. « On ne décèle aucune influence bien définie, à part celles – à peine – de Rouault et de Vlaminck. Au vrai, c’est bien plutôt une évasion systématique loin des écoles modernes » écrivait un critique d’art dans le « Provençal » en décembre 1959 à la suite d’une exposition à Aix.

Quelle aventure depuis des mois : les témoignages de ses amis, l’attachement à son expression artistique, une sympathie pour une personnalité sincère, originale, quelquefois excessive m’ont conduit à identifier 312 toiles, 205 dessins, 50 sculptures. Que de belles rencontres ! Quel bonheur de retrouver ses tableaux à La Réunion, en Angleterre ou un carnet de dessins au Canada !


Marcel Le Toiser épousa en 1939 Renée Boizumeau (1918-1965), la « petite compagne tant aimée », qui lui apporta la sérénité. Son décès prématuré à l’âge de 47 ans le plongea dans un profond désarroi : « J’ai fait de Renée plusieurs portraits dont j’ai orné la maison mais plus en hommage à sa mémoire que par besoin d’apercevoir son visage, sa silhouette, son sourire, ses gais propos. Tout cela ne cesse d’être présent. L’image de la mort s’estompe et de plus en plus je la sens vivre près de moi ».


L’essentiel, c’est ce que l’artiste transmet par-delà sa peinture et ses sculptures.  Mes Amis, regardez cette statue des Trois femmes du pays Bigouden qui se trouve sous l’escalier. Elles sont si émouvantes. Ce soir, elles sont pour nous, face à l’horreur des guerres qui déchirent l’Europe comme le Proche-Orient et ailleurs, les femmes d’Ukraine et de Russie, d’Israël et de Palestine car Marcel Le Toiser y avait gravé sur le socle : « Prière pour la Paix ».

Ses toiles nous invitent à aimer notre côte, à la regarder autrement, j’allais dire à la contempler ! Chacune d’elles nous rappelle la chance que nous avons lorsque le soleil se lève sur l’île Tomé, qu’il se couche sur le Coz-Pors. Elles nous évoquent cette région où il fait bon vivre et dont nous avons à préserver la splendeur qu’il a peinte, l’âme qu’il a ressentie avec sa palette. Quel défi face aux tentations actuelles du surtourisme… Marcel Le Toiser déplorait la perte des racines.

« Ses yeux d’artiste avaient le don de voir au-delà des choses et des gens. Cet homme avait un trop plein d’amour » écrivit « Le Trégor » à son décès. Lorsqu’il était parmi nous, il a contribué, pour reprendre l’expression de Matisse, « à révéler un peu de la fraîche beauté du monde »

PK

L'exposition de Trégastel en octobre 2023 : 1200 visiteurs. Quelques ressentis...

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L'exposition de Trégastel : le bilan

Malgré la polémique et la tempête, 1200 visiteurs ont (re)découvert l’œuvre de Marcel Le Toiser, sa force, ses couleurs, la richesse de son expression artistique. Merci à Chacune et à Chacun ainsi qu’à la Ville de Trégastel. Cette rétrospective aura favorisé de belles rencontres et des échanges précieux.
L’ouvrage de Denise Delouche se vend bien. Il est toujours possible de l’acquérir aux Éditions « À l’ombre des mots » auprès de Marie-Claire Morin – Lec’hvien alombredesmots@sfr.fr 06 32 29 04 37
Madame Gwladys Longeard, directrice des Archives Départementales des Côtes-d’Armor, que nous remercions, nous a indiqué l’existence d’un dossier provenant du fonds du cabinet du préfet et concernant la levée d’interdiction de séjour de Marcel Le Toiser (1949). Ce document, passionnant voire émouvant, nous apprend que l’artiste Perrosien a bénéficié du soutien de René Pleven (1901-1993), compagnon de la Libération et de l’abbé Jules Chéruel (1908-1978), membre du Comité Départemental de Libération après avoir été traqué par la Gestapo, ayant joué un rôle considérable dans la Résistance. On y trouve un courrier d’avril 1949 dans lequel Monsieur Georges Guyomard, ancien Résistant et directeur de l’école des garçons de Perros, sollicite une mesure d’amnistie, approuvée par le Maire de Perros-Guirec.
Nous avons reçu la photographie d’un tableau du port de Ploumanac’h en 1966 dédicacé par Marcel Le Toiser : « Pour ce vieux copain Milo avec toute ma sympathie ». Ce dernier, Emile Le Gac (1903-1973), conseiller général radical-socialiste du canton de Perros-Guirec, fut déporté à Dachau en raison de ses idées politiques et de son engagement dans la Résistance.
Enfin, Monsieur Yvon David, dont le père Théo David (1914-1994), prisonnier à Dunkerque (1940) puis évadé en zone libre, est bien connu à Perros, nous écrit : « Mon père avait noué avec Marcel Le Toiser une relation amicale, jugeant sans doute que si ce dernier s’était trompé, il n’avait jamais fait aucun mal ni dénoncé quiconque. Je me fie davantage à son jugement qu’aux rumeurs ».
 
Richard Fortat

Ancien enseignant, Richard Fortat est l'historien du Protestantisme en Bretagne. Il a analysé le dossier de l'instituteur Marcel Le Toiser aux Archives départementales.


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Franck Genty

Délégué départemental (22) de la Fondation de la Résistance, Franck Genty nous éclaire sur l'internement d'Emmanuel Brossard (1894-1952) dont Marcel Le Toiser a peint le portrait en décembre 1944 au camp de Langueux (22).

EMMANUEL BROSSARD, 1944

Le 28 janvier 2023 en salle des ventes de Saint-Brieuc, Maître Tugdual Borel, commissaire-priseur, adjugeait un portrait : une huile sur isorel signée M. AN TOAZER et datée 14/12/44. La date indique clairement que le tableau avait été peint au camp de Langueux où se trouvait alors l’artiste. Qui était ce personnage triste au visage émacié, coiffé à la brosse dans une tenue austère ?Quelques investigations permirent de découvrir qu’il s’agissait d’Emmanuel Brossard (1894-1952), directeur de l’imprimerie du « Petit Écho de la Mode » à Châteaulaudren (22). Voici le récit de ce qui lui arriva à la Libération.

« Mon opinion est la suivante : Marcel Le Toiser fut membre du Parti National Breton. Le fait d’avoir appartenu à ce mouvement durant la Guerre le conduisit au camp d’internement administratif de Langueux : une décision prise dans le cadre de l’épuration par le Comité Départemental de Libération. Cette vague d’arrestations au sein du PNB eut lieu le 25 novembre 1944 dans toute la Bretagne et concerna environ 150 personnes dont 45 dans les Côtes-du-Nord. Au total, le camp de Langueux aurait compté 58 internements pour le motif d’appartenance au PNB. 
Le Comité Départemental de Libération adopta une motion demandant que les adhérents du PNB déjà arrêtés fassent l’objet d’une enquête immédiate de façon à ce que ceux qui n’avaient pas été propagandistes puissent être libérés et que ceux qui n’étaient pas encore internés ne soient arrêtés qu’après enquête. Le CDL fit preuve de clémence à l’égard des simples adhérents des mouvements bretons qui n’avaient aucune responsabilité dans la politique de collaboration ni dans la lutte contre les maquis. Marcel Le Toiser fut condamné à la dégradation nationale et à dix ans d’interdiction de résidence pour s’être livré à une certaine propagande en faveur de ce parti.
C’est dans ce camp qu’il rencontra Emmanuel Brossard dont il fit la portrait. Le directeur du « Petit Écho de la Mode » à Châteaulaudren avait été arrêté et interné au camp de Langueux le 16 novembre 1944 : il était soupçonné d’avoir dénoncé des militants communistes de Châteaulaudren aux autorités allemandes. Niant catégoriquement les faits et n’ayant jamais dénoncé personne, Emmanuel Brossard adressa un rapport au Comité Départemental de Libération, relatant ses services au sein de la Résistance et demandant à ce qu’ils soient vérifiés.
Le 20 novembre 1944, le capitaine James Harrison, officier américain parachuté en Bretagne, adressa un témoignage important au Préfet des Côtes-du-Nord : une lettre attestant que les dénonciations étaient le fait d’un nommé L.C. Cette lettre comportait également un paragraphe témoignant d’un acte de bravoure concernant Emmanuel Brossard qui avait transporté  des parachutistes alliés au péril de sa vie.
En effet, le directeur du « Petit Écho de la Mode » aida la Résistance directement et indirectement à travers plusieurs réseaux : « Jade Amicol », « Georges France », « Armée Secrète », « Shelburn ». 
En février 1944, six aviateurs et deux agents de l’Intelligence Service, arrivés en gare de Châteaulaudren, furent hébergés à l’école Sainte-Thérèse de Plouagat. Après y avoir passé une journée, les deux agents furent dirigés sur Plouha dans un camion du « Petit Écho de la Mode » conduit par Emmanuel Brossard.
En mai de la même année, dix aviateurs arrivant de Paris furent convoyés par les camions du « Petit Écho de la Mode ».
Sur proposition du Comité Départemental de Libération en date du 12 février 1945, Emmanuel Brossard fut libéré le lendemain par arrêté préfectoral ».